Il se rue. Fuit et s'époumone. Ce, depuis plus de 3 ans maintenant. Il en perd haleine. Il en perd même toute sa lucidité, celle qui lui permettait pourtant de ne pas sombrer depuis ce qui est arrivé.
Aujourd'hui pourtant, il va faire face à la croisée des chemins. Mais ça, il ne le sait pas encore.
Au dessus de lui, La lune commence à croître. Elle prend place dans son immensité, et dissémine alors en lui toute l'arrogance de ses certitudes.
à bout de souffle, haletant, il continue pourtant :" Finira-t-il un jour par comprendre et par saisir le sens de ce qui s'est passé ?
Ses yeux s'embuent et sa vision devient trouble. Il tente d'accrocher du regard un point au loin, comme pour s'accrocher à la vie et ne pas perdre pieds.
Soudain le feu de l'animosité jaillit au creux de son ventre et il le sent s'attaquer à son être tout entier. C'était la pensée de trop.
Il se sent submergé par un raz de marée d'animosité.
Absolument tout ce qui subsistait de lumineux en lui s'éteint. Le jour laisse place aux ombres.
Déterminé il avance. Coûte que coûte. Oui, peu importe combien ça lui coûtera. Et c'est son corps tout entier qui en tremble.
La peur ? Deviendra férocité. Les regrets ? Désormais il ne sera plus question que de bestialité. La honte ? Engendrera la brutalité.
Les traits de son visage se tendent, ceux de son corps se bandent. Il s'élance et laisse derrière lui le gouffre abyssale de ce qui l'a tant écorché.
Seul comptera la suite.
La vie pourra bien tenter de l'abimer, encore. Qu'elle essaye tiens, encore une fois de l'entailler... à partir de maintenant, la haine qui l'habite sera incisive, stratégique, percutante,
Obscure comme ces nuits sans lune, Sinistre et inquiétante.
C'est qu'ils l'ont mérité Tous autant qu'ils sont. Gâcher sa vie ? Qu'ils en payent le prix maintenant.
Il va prendre le temps nécessaire. Jusqu'à ce qu'ils en crèvent d'humiliation, jusqu'à ce qu'ils le supplient de les épargner...
C'est alors qu'au loin, porté par le souffle du vent, un murmure lui parvient.
Qui ose encore respirer le même air que le sien ? L'affront qui lui est fait abreuve le fleuve de sa vengeance,
Il s'avance, guidé par ses ténèvbres et par l'écho lointain de celui qui, ce soir va mourir.
S'en qu'il ne s'en rende compte, la plainte l'a mené aux abords d'un chemin de fer abandonné, et seule subsiste la lune pour éclairer ses pas.
Qu'importe, le flair de l'animal est affûté. Pas besoin de voir lorsque la folie est aiguisée.
Ses yeux s'ajuste progressivement à l'obscurité environnante. Il se fait prédateur, un peu plus discret chaque seconde, à l'affût de l'ombre qui trahira la présence de sa proie.
Elle est là,. ça y est. tout près. Il peut aisément sentir l'odeur de la peau transpirante. Presque entendre le cœur s'affoler, dans sa prison d'os et de côtes. Il se demande s'il sera capable de les briser au moment venu.
Tout à coup, un faisceau de lumière vient l'aveugler.
Il transperce sa rétine et désoriente sa pensée.
Dans la luminosité qui se dégage maintenant de l'objet, se découpe une forme qui peu à peu, se fait silhouette.
Il ne peut en distinguer plus précisèment les traits, le contre-jour ne le lui permet pas. Figé, il ne bouge plus, attend et élabore ses possibilités.
La silhouette s'avance, fébrile, hésitante. La source lumineuse tremble, tressaute au rythme de la main qui la saisie.
Elle n'est plus qu'à quelques mètres. Le temps qui s'écoule semble interminable, l'attente se fait intenable, mais il est pret. solidement campé sur ses jambes, il se prépare, s'ancre dans le sol pour mieux se propulser, pour mieux attaquer.
Le défigurer, lui faire mal. Lui faire comprendre qu'il ne laissera plus jamais personne lui faire ce que les autres ont osé lui faire. Plus jamais.
Défoncer la boite crânienne, en répandre le contenu sur le gravier, ensanglanter la moindre petite parcelles de chair qui constitue cet être de trop.
En savourer l'agonie primitive, se délecter de la terreur et l'effroi qu'il lira au fond de son regard...
L'ombre s'arrête. L'œil de lumière chancèle imperceptiblement.
Et enfin une voix claque dans l'air :
"Qu'est-ce que tu fais là".
On t'as jamais appris à parler ? Réponds-moi. J'ai dis qu'est-ce que tu fais là.
T'as cru que tu pouvais t'accrocher à moi comme ça ? On est pas au camping ici mon coco, t'attaches pas ta caravane d'amour juste le temps d'un week-end.
J'les connais les types dans ton genre.
ça s'croit solide, ça s'croit libre.
ça croit que j'suis trop sensible pour ce monde dégueulasse,
ça s'croit tout permis. Comme si c'était facile d'aimer un jour, pi de désaimer le lendemain.
Les mec dans ton genre, ils pensent que c'est avec leur grands bras qu'il peuvent nous faire oublier le monde.
Mais j'te laiss'rais pas m'faire du bien. Tu comprends ça ?
Et tu veux savoir quoi ?
Ben j'vais t'le dire.
Mais avant, arrêtes.
Arrêtes j't'ai dit. De m'regarder comme ça là, avec tes yeux qui puent la tendresse...
J'aime pas ton r'gard, j'pourrais m'y évanouir pendant des heures.
Pis j'aime pas non plus tes prunelles, on dirait des noisettes caramélisées au miel.
T'aimes toi, les noisettes caramélisées au miel ?
Bon, arrêtes j't'ai dis.
Et me fait pas dire s'que j'ai pas dit. T'es pas beau. T'es pas moche non plus... Bon, tu m'fais juste penser à ces moments où j'me sens plus perdue.
Tu r'sembles à ce mec là... evanne truc muche... evanne anderson.
Et d'ailleurs j'vais te dire...
La voix continue mais il ne l'entend plus. Stupéfait.
Lentement, la silhouette s'était rapprochée.
Il peut à présent distinguer la forme si délicate de sa bouche. Les amandes qui lui servent d'yeux. ses petits seins ronds qui tressaillent sous son pull à chaque respiration trop brusque.
Sans aucun mots, il observe et se contente de couver du regard cette chose qui s'acharne avec elle-même.
Bon, t'as toujours rien dit. Tu t'sens pas bien ?
C'est quoi ton problème.
Bon OK... viens.
Viens j'te dis.
Prends ma main.
N'ai pas peur vas-y prends ma main. J'vais pas t'manger de toute façon j'ai pas faim.
Elle glisse sa petite main chaude dans la sienne, ses doigts fins se mêlent aux siens.
Il se sent perdu tout à coup, et tellement bien à la fois.
Elle l'emmène, il ne sait où.
Il se laisse guider, la laisse mener la danse de leurs pas.
J'te préviens, s'pas parce que t'es un homme qu'tu peux faire s'que tu veux d'moi. T'as compris ?
Bon... ça t'dis d'aller au camping finalement ? Mais plus qu'un week-end, si tu veux bien...
Pis j'te préviens j'veux pas m'marier, on est pas assez bien pour ça...
Je sais qu'tu comprends.
Bon, on y va ?